Ceci est l’avis d’un expert agrée et assermenté sur l’acquisition et le traitement des prises de vues aériennes couplées LIDAR pour la production d’orthophotos et des images satellitaires très hautes résolutions pour la production d’orthoimages. Dans ce document, le géomètre préconise l’utilisation des drones en lieu et place des avions à travers l’expertise local, ce qui pourrait, selon lui, préserver la souveraineté du pays.

Avis d’expert :

 

Relatif au marché intitulé :

« Appel d’offre ouvert international n2023/0013/MEFP/SG/DMP pour l’acquisition et traitement des prises de vues aériennes (PVA) couplées LIDAR pour la production d’orthophotos et des images satellitaires très hautes résolutions pour la production d’orthoimages dans le cadre du Projet d’Appui au Renforcement de la Gestion du Foncier et des Mines (PARGFM) »                   

 

Nous nous referons au marché cité ci-dessus, pour attirer l’attention de l’opinion sur certaines incohérences qui pourrait affecter la qualité attendue de la réalisation de ce marché.

Suites à de nombreuses demandes d’éclaircissements, certains termes de l’offre ont été reprises, conséquence, le marché est  à sa 3e report, 4eme publication. Après le report du 8 ; 9 ; 16 ; les dépouillements seraient attendus pour le 23 mai 2023. Ces différents reports laissent présager des difficultés sur l’exécution d’un tel marché. Que se passe-t-il réellement donc avec ce marché ?

 

Les points de préoccupations sont les suivants :

 

👉Plus de six (06) milliards pour acquérir des données images.

Selon les termes de ce marché, le soumissionnaire devra réaliser un chiffre d’affaires annuel moyen au moins de cinq milliards (5 000 000 000) au cours des 5 dernières années (2017, 2018, 2019, 2020 et 2021). Ce qui signifie que le budget alloué à ce marché est de plus de cinq milliards (5 000 000 000) de francs CFA selon les pratiques des marchés publics. Selon certaines sources du marché, le budget serait précisément de six milliard (6 000 000 000) de francs CFA.

Un budget qu’il est possible d’optimiser si on fait les bons choix.

 

👉Des données images de moindres qualités inadaptées pour les travaux cadastraux

Les termes du marché recommandent que les prises de vues aériennes soient réalisées par avions. Aussi il est demandé des images aériennes d’une précision de 5 cm pour une résolution inférieur ou égale à 15 cm. Ce qui est

contradictoire. En effet si la résolution est de 15 cm, la précision qu’on pourrait atteindre est àu moins égale à 2 fois la résolution soit plus 30 cm . Ce qui n’est pas conforme aux normes des travaux topographiques et cadastraux (décret 2012-ES/PM/MHU/MID/MEF/MATD) qui exige une précision de 7 cm. Cela laisse présager que les produits images issus de ce marché ne seront pas utilisables de façon optimale par le cadastre.

 

👉Des données de souveraineté entre les mains de sociétés étrangères

Les conditions générales et particulières de ce marché sont telles qu’il faut faire forcément appel à l’expertise international (Chiffres d’affaires d’au moins de vingt-cinq milliard, avoir exécuter un marché similaire sur une superficie d’au moins 4 000 km², disposer de deux avions…). C’est dire que l’exécution de ce marché sera sous le contrôle des sociétés étrangères. Et quand on connait l’importance des données cadastrales pour la souveraineté d’un pays, il n’y a-t-il pas lieu de s’inquiéter ?

 

👉 Pour la mise en place d’un cadastre national, l’urgence n’est-elle pas l’identification des propriétaires ?

 

L’Assemblée Législative de la Transition (ALT) a donné fin décembre 2023 comme délai butoir au Ministère en charge du cadastre pour numériser tout le parcellaire du Burkina Faso.

 

Il est demandé au service du cadastre de mettre en place une base de données cadastrales pour faciliter l’identification de toutes les propriétés et leurs propriétaires ainsi que leurs valeurs cadastrales sur toute l’étendue du territoire.

 

Pour parvenir à cette numérisation du cadastre national, des choix stratégiques doivent être opérés par les acteurs en charge de la question.

 

L’acquisition des données images est certes très importante mais il est plus urgent de constituer la base de données des propriétaires des terres urbaines et non urbaines  au Burkina Faso  afin de répondre efficacement aux attentes de l’ALT.

 

Au regard de cette analyse, pour la réussite de la mise en place du cadastre national, nous proposons ce qui suit :

 

👉Privilégier le drone comme vecteur de prises de vues aériennes (photogrammétrie aérienne par drone)

 

– Gain en temps et en coût !

C’est une solution innovante pour la mise en place et la numérisation du cadastre. Elle permet de réduire significativement les coûts et les délais des cartographies.

De plus cette solution moins onéreuse permet la prise de vue quel que soit la zone (accidentée, inaccessibles, dangereuses) et à très basse altitude (moins de 150 m). Avec le drone, pas besoin d’infrastructures énormes comme piste de décollage et l’atterrissage, ce qui en fait un outil tout terrain pour des prises de vues aériennes.

Le drone est plus maniable et adapté à notre contexte sécuritaire. C’est un avion sans pilote, il n’expose pas la vie des pilotes.

 

– Gain en précision !

Mieux, les prises de vues aériennes par drone permettent de produire des images 2D et 3D de haute résolution et de haute précision de l’ordre de quelques centimètres. A titre d’exemple, l’opération pilote de prises de vues aérienne par drone sur la ville de Ouagadougou a permis de produire des images d’une résolution de 2,5 cm et d’une précision absolue de moins de 5 cm. Ce qui est en phase avec les normes des travaux topographiques et cadastraux en vigueur en Burkina Faso qui exige 7 cm comme précision.

 

👉Privilégier la confidentialité des données et promouvoir l’expertise nationale

L’expertise nationale en prise de vues aérienne par drone est très bien développée au Burkina Faso. Les nationaux peuvent bien exécuter intégralement ce marché sans assistance extérieur et assurer le transfert de compétence au cadastre qui se chargera de la mise à jour périodique de ces données images. Et mieux la confidentialité des données collectées sera mieux préservée.

👉Accorder une importance particulière à la collecte des données propriétaires

Si nous optons pour le drone pour les prises de vues aériennes, sur les 6 milliards de francs CFA prévus par la réalisation du marché cité en objet, une économie de plus de 5 milliards est envisageable. Cette somme peut servir pour la constitution rapide de la base des données des propriétaires et le renforcement des capacités opérationnelles des services du cadastre.

👉 Renforcer les capacités opérationnelles des services du cadastre pour la collecte et la mise à jour des données images.

Les données images utilisées pour les besoins du cadastre doivent être non seulement de precison (moins de 7 cm) mais surtout régulièrement mis à jour.

Pour se faire , les différents services du cadastre et des travaux fonciers (SCTF) pourraient être équipés en drones et en outils de traitement photogrametriques pour couvrir tout le territoire. Des agents formés comme telepilotes de drones civils pourraient assurer efficacement cette tâche de collecte et de mise à jour périodique de ces données images 2D et 3D avec une précision conforme aux normes en vigueur des travaux topographiques et cadastraux et surtout à moindre coût .

 

Sibouré GUINKO

Inspecteur du cadastre                                     Géomètre expert agrée et assermenté

By Ib_Z

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